Les violences sexuelles – Inceste

Oui c’est moi

Ma vie de Psy … Texte de Brigitte

« Ce soir j’ai regardé l’émission sur la 6… Un silence si bruyant. Il n’y a pas si longtemps encore, je regardais tout ce qui passait à la télé sur l’inceste… Je lisais des livres… Je ne les cherchais pas, mais s’ils tombaient sous mes yeux il fallait absolument que je les lisent !!!!!

Chercher à comprendre… Et mon dieu que c’était douloureux !!! Mais irrépressible en même temps… Depuis l’accident…

Depuis la mort de maman et de mon petit frère (lui aussi victime du grand père) ça m’a passé… Comme un besoin de vivre… De surmonter cette douleur obsédante… Une douleur psychologique puisque plus de 40 ans se sont écoulés… Mais malgré tout une douleur physique… Celle de l’estomac qui se contracte prêt à recevoir un coup. Pas un vrai coup…

Mais celui qu’on ressent à entendre, à apprendre, à penser « c’est de ta faute »… Longtemps j’ai pleuré… Très longtemps et depuis très longtemps… J’aime la pluie depuis tellement longtemps… Depuis que petite fille, quand on était en vacances à Montargis, j’allais dans son jardin sur la balançoire…. Et je me balançais en versant mes larmes…

Là, alors que les grands parents étaient à la maison et qu’ils n’avaient pas remarqué que j’étais dehors, je pouvais pleurer très fort… Aussi fort que la pluie. Ça ne se verrait pas… Ce soir j’étais fatiguée… Mais en rentrant, en allumant la télé j’ai vu l’annonce de cette émission… J’ai mis une alarme et je suis allée me coucher… Je voulais voir…

Aujourd’hui je ne pleure plus… Mon estomac n’attend plus le coup… Je ne me sens plus coupable je crois… À la place c’est une colère immense !!!! L’émission, somme toute bien faite pour expliquer l’indicible aux personnes qui n’ont pas subi… Cette émission, comme d’autres, comme les faits divers aux informations (faits divers… Quel mot inapproprié et honteux !) m’a fait ressentir cette colère…

Elle a le mérite d’inciter à libérer la parole… À Encourager la parole et faire accepter d’écouter… Mais j’aimerais tellement, un jour, entendre une voix ferme dire « il a été condamné !!! » On en est encore très loin… Trop loin… Je me suis retrouvée quand il a été dit  » tu ne peux pas le croire.. Il est médecin.. Il est… Il est tellement gentil et aimé de tous ! » Je ne sais pas ce qu’il était.

Je savais juste qu’il avait été prisonnier pendant la guerre, donc qu’il fallait faire attention à lui il avait déjà tellement souffert… Et je savais qu’il était gentil et aimé de tous… Il m’emmenait à l’église parfois le dimanche (je ne suis pas baptisée) et le curé l’aimait bien… Les fermiers où on allait chercher le lait, juste à côté de la maison, l’aimaient bien… Pour moi, petite fille de banlieue, c’était un émerveillement cette ferme… La bouchere du village l’aimait bien… Oui… Il était gentil…. Mais il n’était pas que gentil….

Je n’ai pas honte et n’ai pas à avoir honte. Je ne cherche pas non plus à être victimisee… Mais peut être que la reconnaissance des souffrances passe par l’honnêteté de dire « oui c’est moi »…

« Coupable »

Coupable, je me suis senti.e. Coupable, de m’être laissé faire. Coupable, de n’avoir rien dit !
Coupable d’en avoir tiré avantage à certains moments . Lequel ? De faire payer mon silence. Coupable d’avoir été abusé.e, coupable d’être une victime. Pourtant je n’étais qu’un.e enfant. Je n’ai pas été protégé.e ! Je suis devenue coupable. De porter ce secret de Famille. Je n’ai pas été seul.e, il y en a eu avant et après moi. Coupable de tous vos non-dits, ceux qui se transmettent. De génération en génération ! Conscient ou pas. Coupable, de faire semblant ! Protéger l’honneur de la Famille, quelle Famille ? Faussement pieuse, je comprends votre attachement à la religion. Vous avez tellement de péchés à vous faire pardonner. Coupable, d’avoir protéger ces monstres. Les bourreaux de cette Famille par le silence. J’étais celle qui n’était pas normale, à part, différente ! Ainsi, la réputation était toujours saine et sauve en apparences pour vous. Pourtant tout le monde chuchotait, supposait, devinait, s’en doutait ! Mais, personne ne brisait ce Tabou ! Aujourd’hui, la vérité éclate au grand jour. Et j’en suis coupable. Avec vos attitudes de Drama, vous jouez les victimes. A travers mon histoire et celles des autres. A la différence de vous, je suis la victime, de vos silences, des miens et de ces actes ignobles. La personne blessée, dans sa chair, son corps, son esprit pour toujours. Celle qui doit vivre avec ces cauchemars vivants. Celle qui doit se construire avec ce passé. Et les peurs qui m’habitent depuis. Aujourd’hui, je suis coupable de briser ce cycle. Qui me permet de briser mes chaines et retirer ce bâillon invisible. Coupable, de briser ces transmissions générationnelles, que vous m’avez fait porter et que je refuse de faire porter à mes enfants. Coupable, je ne suis plus car je n’étais qu’un.e enfant. Je me suis protégée comme j’ai pu, à défaut de l’avoir été par les adultes qui m’entouraient. J’existe en tant qu’adulte et enfant que vous n’avez pas réussi, à soumettre à vos règles familiales. De mes chaines invisibles et ce poids familial, je me libère !

La vengeance est à vos portes. Je le dis bien souvent. Limitée, entravée depuis des années, je me dis souvent prête ! Ce désir m’anime, me maintient la tête hors de l’eau, tout en m’immobilisant ! Je fais du sur place ! Je suis en sommeil, je veux qu’elle remplace ma douleur, celle qui me ronge de l’intérieur ! Et elle en fait tout autant face à mes doutes. Ces traumatismes que vous avez mis sous silence, que vous m’avez demandé de taire. De faire comme si rien n’avait eu lieu ! Mon corps souillé, je ne fais que le maltraiter, jusqu’à vouloir le faire disparaître. Ce jour, où tout a basculé, où j’en ai perdu des parties de moi-même. Physiquement ! Psychiquement ! Et spirituellement. Où je suis devenue une autre, me fait vivre dans l’ombre. Parfois votre empathie, votre attention me met dans la lumière, me rassure, me valorise et à la fois me rend dépendante. Il me reste peu de temps, pour faire entendre ma voix et vous mettre sous les projecteurs. Même si je sais qu’il y a peu de chance que vous soyez reconnu.es coupables. Aujourd’hui, ma peur est ailleurs, je ne suis pas soutenue par ceux que j’aime, ils sont lasse de mes frasques. Je risque d’être seule dans cette lutte. J’ai ce besoin d’être reconnue dans ma souffrance et à la fois d’être soutenue. Je reste fragile et vulnérable malgré ma force de survie. Un dilemme s’installe en moi. Dois-je aller au bout ? Est-ce qu’en allant dans cette lutte, je vais mieux être avec moi, et accepter de prendre ma place dans mon existence ? Vais-je retrouver ma place, de femme, d’être humain, ma flamme de vie, d’être ce qui m’anime ? X questions auxquelles je ne cesse de changer les réponses par crainte de plus être entourée alors que ce cheminement m’appartient, et l’incertitude des conséquences suis-je prête à en prendre la responsabilité ?

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